Par une nuit brumeuse et froide, la jeune femme s'avança sur le pas de la porte. Ces bottes de cuir, maculées de boue semblait avoir traversé des océans de terre, comme si ces freles jambes pouvaient soulever toute la misère zangarienne.
A son épaule se balançait un arc, brulant comme un soleil malgrè l'absence de lumière. De ses cheveux blanc de Lune ruisselait l'eau de pluie et son regard ,balayant la salle principale, avait cette acuité effrayante, intimidante, propre aux vierges de l'aile d'argent, elfes brutales et froides, tranchantes comme la pointe de leurs flèches. Sa main comme un faucon s'envola vers son épaule, et décrocha d'un geste imperceptible, tant il était vif, cette énorme hache qu'on appelle "décapiteur", et la taverne de la fin du monde, cet immonde bouge du fond de la ville basse, se figea. Toute la salle retint son souffle ...ou presque.
Un homme parmi l'assistance ne broncha pas, un Dranei au vu de la couleur de sa peau et de sa large carrure, un chaman comme le laissait présager les runes courant sur ses bras puissants.
Au même instant, les deux êtres à peau bleue, si semblables, si différents, sourirent, comme une signature de lumiere au milieu du Grand Rien.Elle posa sa hache dans un coin de la salle, mais ne quitta pas une seconde son magnifique arc, en forme de phoenix. Lentement elle s'approcha du chaman, comme un félin de sa proie.
Cela ne dura que quelques instants; elle enjamba le banc de bois sur lequel le chaman siegeait, un banc tout simple mais comme un trone pour cet auguste personnage.En un instant elle se trouvait à ses cotés. D'un geste sûr elle s'empara de la chope trainant devant le Dranei, et chose inconcevable elle bu l'hydromel d'un seul trait. Bien sur elle n'aimait pas cela, mais qui sait ce qui passe dans l'esprit d'une elfe.S'essuyant les lèvres d'un revers de manche, elle reposa la chope bruyamment.
C'est décidé, tu te casses ?
Il sourit un peu, mélancolique, et répondit un simple: "oui"
Elle n'etait pas douée pour les discours, et de toute façon... elle n'avait pas l'imagination de ce sénile d'Azran, pas la gouaille de ce rustre d'aga. Elle quitta juste le banc, et posa sa main sur l'épaule puissante de Mandruk.
Inspirée par l'hydromel, elle regarda la flamme frémissante de l'âtre, et dit ces mots: "S'il n' y avait que des routes droites et des plaines sans collines, alors il n'y aurait pas de plaisir à chasser. Puisse tu trouver la foret de ton rêve chaman, car Elune t'y attend."
Quelques battements de coeur plus tard, dans la taverne il ne restait de l'elfe qu'un souvenir , une odeur de pins, et une chope vide.